Attrape moi, si tu peux ! [Keiko~]

Dimanche 13 mai 2018

18 heures, Keiko avait fini sa journée. On lui proposa d’aller boire un verre après le travail, mais elle déclina poliment. Ce soir, elle voyait Esai. Elle ne se souvenait même plus exactement de la dernière fois où ils s’étaient vu. Elle avait peu de temps libre, et beaucoup de celui-ci était consacré aux Crows et surtout à Saitô. Esai et Keiko avaient du se voir une fois, fin avril. Une rencontre en tout bien tout honneur, qui s’était révélé être une agréable soirée.

Elle rentra chez elle et promena son chien, profitant pour faire un petit footing malgré la journée de travail. Elle faisait moins de sport à la crim et refusait de devenir un vieux crouton bidonnant ! Elle prit ensuite une douche rapide, fit un soin sur ses cheveux et s’épila en détail. La japonaise préférait être prête pour toutes circonstances ! Elle resta un moment devant son dressing, avant de se décider à porter une tenue qu’elle avait acheté avec Saitô : un pantalon blanc et un petit haut noir, avec un dos semi nu (les bretelles assez larges et souples se croisaient en un grand X tout le long du dos). Elle avait mit des sous vêtements blancs en dentelle.

Elle enfila son blouson de cuire et partit en moto direction les alentours de Seika. Elle adorait la sensation au volant de sa petite Suzuki noire. Elle se gara, hôta son casque et sonna chez son ex. Pas de réponse. Il lui avait pourtant confirmé dans l’après midi. Elle sorti la clé qu’il lui avait laissé en cas de secours. Elle pénétra dans l’immeuble, puis dans l’appartement.

- Esai ? J'entre !

Elle avança un petit peu et tomba nez à nez sur le brun, en tenue plutôt légère.

- Bonsoir ! Je suis en avance ?  

Elle fit glisser son sac à dos au sol, posa son casque à côté et hôta son cuir.

- Quoi que, si c’est ta tenue du jour, ça me va aussi.

Keiko lui adressa un sourire.

Il s’approcha et Keiko ne s’était pas attendue à ce qui allait suivre. Les fois où ils se retrouvaient, c’était parfois platonique, souvent torride. En tout cas, ce n’était jamais d’entrée de jeu. Il y avait toujours une petite recherche, un petit moment de flottement. D’abord un film ou un repas, un petit verre d’alcool, une longue discussion, avant que l’un ou l’autre ne craque et ne brise la glace. Elle répondit à son baiser, sans réfléchir.

Quand il se comportait comme ça, elle avait l’impression d’être toujours en couple avec lui. Dans ces moment-là, elle ne pensait plus à Saitô et cela lui faisait un bien fou. Elle était heureuse de voir que le brun pouvait toujours lui faire oublier le blond. Dire qu’au début, c’était dans ce but qu’elle avait commencé à fréquenter Esai… Cinq ans après, elle avait eu (et avait peut-être encore) des sentiments pour les deux… Au moins, elle n’avait pas à choisir pour le moment entre l’un ou l’autre !

- J'aime bien la tienne aussi. Sympa ce nouveau haut.

Elle lui adressa un sourire, le remerciant d’un signe de tête. Elle fut de nouveau surprise quand il s’approcha. Il était décidément très tactile ce soir, et ce n’était pas pour déplaire à la japonaise. Après tout, c’était à contre cœur qu’elle avait mis une touche finale à leur relation ! Le métier d’Esai et le siens étaient trop contradictoires … Et elle n’avait pas assez de temps pour profiter de lui… Elle nourrissait à l’époque une haine de plus en plus farouche pour l’activité nocturne de son amoureux, qui la privait souvent de lui des rares nuits qu’elle avait de libre.

Elle mit ses pensées de côté, que ce soit pour Saitô, ou pour les raisons de leur rupture et se concentra pour ne pas paraitre crispé. Elle n’avait plus vraiment l’habitude d’un contact aussi direct, même si le baiser et la caresse avait suffi à lui donner envie de son ancien amant.

- On va dans la chambre ou on mange d'abord ? Personnellement, j'ai pas très faim.

Keiko se mordit la lèvre, avant de lui sourire à nouveau. Elle allait finir par avoir mal aux zygomatiques si elle continuait ainsi.

- Je peux me contenter de toi pour le diner, tu le sais bien.

Elle se laissa faire et se blottit dans ses bras. Elle se sentait bien, là. Elle laissa ses mains glisser contre le haut du corps du jeune homme et fronça les sourcils. Il avait vraiment maigri … Elle était habituée à la masse musculaire de Saitô, aussi elle avait un peu de mal à déceler le changement dans la corpulence d’Esai outre le fait qu’il avait perdu du poids. Il lui semblait bien que ses muscles étaient un peu plus dessinés, mais elle n’aurait pas pu dire si elle avait imaginé ça, depuis le temps.

- Mais toi par contre, je vais te nourrir après !

Elle ne pouvait s’empêcher de le réprimander, même si en théorie, elle n’avait plus aucun droit sur lui. Keiko n’eut pas de mal à trouver le regard d’Esai. Il était grand, pour un japonais, mais elle l’était tout autant. Il entrait cependant dans ses critères : pas plus petit qu’elle. Après l’avoir regardé, elle lui embrassa le cou, avant de remonter par plusieurs baisers jusque sa mâchoire, puis elle continua jusqu’aux lèvres qu’elle connaissait si bien.

- Esai, Esai… Tu dois prendre soin de toi.

Elle l’embrassa ensuite passionnément, se collant un peu plus contre lui. Elle passa ses mains sur le dos du japonais pour le presser un peu plus contre lui. Elle avait besoin de le sentir vivant, et elle avait besoin de sentir qu’il était toujours à elle, du moins pour une soirée. Keiko relâcha son étreinte et le poussa légèrement jusque la chambre, tout en l’embrassant. Heureusement qu’elle connaissait l’appartement.

Ils étaient enfin dans la chambre. Elle glissa ses doigts dans les cheveux du jeune homme, se trouvant debout alors qu’il était assis. Elle se laissa faire docilement, pendant qu’il entamait de relever son haut. Elle frissonnait à chaque baiser, profitait de chaque caresse. Elle se retrouva sans haut et dégrafa d’elle-même son soutien-gorge. Apparemment, Esai avait l’air pressé et cela lui convenait de ne pas prendre de gant.

Dans la vie, il y avait les fleurs et le chocolat … Et il y avait le reste.

Keiko apprécia la vision que lui offrait le corps d’Esai allongé sur le lit, dénudé. La serviette ne servait plus à grand-chose, mais elle restait un ultime rempart face à l’entière nudité du brun. Elle se mordit de nouveau la lèvre. Elle fut surprise et eu le réflexe de ne pas tomber directement sur le jeune homme, amortissement sa chute avec ses mains et ses bras tendus, ses cheveux virevoltant dans tous les sens avant de se repositionner, lisses, dans un écran tout autour de la jeune femme.

- A défaut de prendre soin de moi, on peut prendre soin l’un de l’autre ?

Elle n’eut qu’à se pencher légèrement en avant pour embrasser Esai, d’abord doucement, le faisant languir un peu ; puis se prenant à son propre jeu, un peu plus passionnément. Il n’était pas bavard ce soir et elle se calerait sur son rythme, répondant à ses besoins. Elle, elle avait juste envie de se sentir choyée et de passer un bon moment avec un homme qui la considérait et qu’elle avait aimé.

Le jeune professeur lui manquait pas mal, l’air de rien et elle comptait bien profiter de son odeur, sa chaleur, sa présence. Elle lui adressa un sourire avant de se caler contre lui, faisant une petite pause dans leurs baisers. Un câlin. Elle en avait envie depuis longtemps. Personne ne lui en faisait, après tout. Pour ne pas casser l’ambiance, elle s’activa rapidement à mordiller le cou d’Esai.

Keiko profita donc chaque sensation en perdant la notion du temps et de l’espace. La nuit commençait à tomber, mais elle distinguait encore les traits d’Esai, lorsqu’ils se posèrent l’un contre l’autre, reprenant leur souffle respectif. Elle fut surprise du petit baiser. Avec Saitô, quand c’était fini, on se rhabillait et hop hop hop, on partait faire chacun sa vie de son côté. Là, c’était plus tendre et ça lui plaisait. Elle en avait vraiment envie ce soir.

- Ca faisait longtemps. Peut être trop.

- Hm, surement oui !

Keiko posa sa tête contre le torse de son amant, écoutant son battement de cœur qui n’était pas encore revenu à un rythme normal. Elle se laissa docilement faire, une fois encore. Keiko s’en voulait, de ce qu’elle avait pu infliger à Esai. Elle se disait par exemple que s’il était maigre, c’était de sa faute, car elle n’était plus là pour prendre soin de lui. Aussi, elle lui permettait beaucoup de chose, qu’elle aurait refusé à d’autres. Rien que ce contact, de lui prendre la main, l’aurait dérangé en tant normal, avec un inconnu ou une connaissance.

Elle lui adressa un sourire presque niais lorsqu’il lui embrassa le front. Elle adorait ça. Son grand frère lui faisait souvent. Enfant, il lui avait dit que ça signifiait « je te protège » en langage des bisous, et ça lui était restée.

- Ça va toi en ce moment ? Le boulot, tout ça.

- Hmmmmmmm, répondit-elle avec un peu de flemme.

Elle s’endormait presque, tellement elle était détendue mais se reprit. Keiko se redressa légèrement, s’appuya contre son coude et regarda Esai, jouant avec les cheveux du jeune homme.

- Ouais ca va plutôt bien. Je suis enfin à la crim, en stage ! J’espère être titularisée là-bas. Les horaires sont mieux, et le travail beaucoup plus intéressant. Et puis, on arrête des vrais méchants au moins. Enfin, on essaye.

Elle n’était pas douce ou câline généralement, mais elle ne résista pas à l’embrasser une nouvelle fois. Ca faisait très couple, mais tant pis.

- Et toi ?

- Bah... Les cours. Des élèves qui défilent avec plus ou moins d’intérêt. Comme a notre époque en somme.

Keiko ne put s’empêcher de rire. C’est vrai, qu’en étant étudiante elle avait éprouvé peu d’intérêt pour les cours. Elle s’était forcée, pour faire honneur à sa famille et faire de son mieux pour ses parents, et sa tante qui payait l’école. La japonaise frissonait sous les caresses d’Esai et fut un peu déçue quand il arrêta.

La cigarette. Elle ne comprenait pas comment on pouvait aimer se détruire le corps avec cette chose. Le gout était médiocre, l’odeur bof bof et la liste des effets néfastes était tellement longue ! Quand ils étaient en couples, elle ne voulait pas paraitre comme une fille relou, alors elle n’avait jamais demandé à Esai pourquoi il avait commencé ; mais elle avait bien envie de savoir par curiosité, pour comprendre.

- Et donc, tu disais que tes horaires seront beaucoup mieux ? On pourrait passer plus de soirée ensemble !

Keiko hocha de la tête, et se roula sur le côté avant de répondre. Elle faisait maintenant dos à Esai et s’était penchée en avant pour récupérer ses sous vêtements, qu’elle enfila.

- En théorie oui ! Quand je serais titulaire j’aurais un emploi du temps à moi. La je fais plus d’heure, et je dépends beaucoup de Yuu, mon référant. Oh, d’ailleurs, il était en prépa avec nous. Yuu Otosaka, tu t’en souviens ?

Keiko se demanda si avec plus de temps libre, ils sortiraient de nouveau ensemble... Cela voudrait dire ne plus voir Saitô une fois encore ... Du moins dans un contexte sexuel. Cela voudrait dire choisir entre l'un ou l'autre. Elle se donna une claque mentale. Rien ne lui disait qu'Esai voudrait de nouveau d'elle. Elle se leva du lit. Elle n’avait pas envie de remettre ses vêtements tout de suite… Elle voulait se sentir confortablement, comme en pyjama.

- Je te pique un t-shirt !

Et elle se servit, sans attendre la permission. Elle adorait porter les vêtements d’hommes, c’était tellement confortable. S’il en avait porté un juste avant, elle aurait pris celui-ci, mais elle en avait prit un propre, étant donné qu’il s’était présenté à elle nu. Un t-shirt noir, tout simple. Elle décida de rester en culotte et se rassit sur le lit, s’étirant comme un chat. Y a pas à dire, on se sent trop bien après le sexe, pensa-t-elle.

Keiko ouvrit les yeux en sentant du mouvement sur le lit. Esai était de nouveau à ses côtés. Elle lui adressa un sourire et répondit à son baiser. Toute cette douceur lui faisait du bien ce soir, même si elle savait que le retour à sa solitude serait pénible. Heureusement que Keiko avait rarement besoin d’affection. C’était l’avantage de ne pas être caline. Elle repensa aux années lycées, quand on l’appelait pour se moquer « La reine de glace ». Tsss. Ce que les gamins pouvaient être cons.

- Ça te dit de manger ?

- Oui !

Leur petite activité lui avait donné faim. Elle regarda Esai partir le premier, puis se décida à se lever quand même. Par habitude, elle refit le lit du japonais avant de le suivre dans la cuisine. Elle aimait que tout soit en ordre. Elle prit place autour de la table, se faisant servir.

Elle n’aimait pas qu’on soit torse nu pour manger, mais elle n’était chez elle, aussi elle ne pouvait rien dire. Elle n’était pas trop adepte du micro-onde, mais elle trouvait ça pratique pour réchauffer un plan de traiteur ou de restaurant. En tout cas, ça sentait bon et son ventre gargouilla.

- Merci pour le repas. Bon appétit.

La japonaise commença à manger. Le silence n’était pas pesant, elle aimait ces moments de calme. Elle savait qu’Esai n’était pas du genre à être gênée par ça et c’était donc parfait. Elle fronça cependant les sourcils quand il arrêta de manger.

- Vas y, mange t’inquiète pas, prend ton temps, on a tout notre temps non ?

- Je comprends mieux pourquoi tu as maigri. On vient de faire une activité physique, non ? Tu dois mieux te nourrir, pour laisser tes muscles récupérer !

Elle posa son couvert à son tour. Bien sûr, elle n’avait plus le droit de rien lui dire, et elle ne pouvait pas le gaver… Mais elle s’inquiétait pour lui.

- Tu vas tomber malade tu sais ?

- Oui maman ! Mais je n'ai juste plus faim tu sais.

Keiko soupira. Oui, il fallait qu’elle le laisse vivre sa vie et qu’elle se calme à ce sujet … Le fait qu’il lui tire la langue la fit rire. Cela faisait du bien de le voir détendu comme ça. Elle lui adressa un sourire quand il prit place face à elle et ne bougea pas la main quand il tendit la sienne.

- Keiko... Tout ce que tu me dit, tout ça... Ça me plait. Merci d'autant vouloir prendre soin de moi. Je te le rend pas assez.

Elle fut surprise d’un tel aveu. A vrai dire, elle n’attendait rien d’Esai. Il était là quand elle avait besoin d’affection, c’était déjà plus que suffisant. Elle n’avait pas l’impression de prendre autant soin de lui que ça. C’était sans doute devenu naturel avec le temps. Le fait que ça lui plaisait c’était tant mieux ! Elle lui serra légèrement les doigts et lui sourit.

- Tu ne me dois rien, alors ne te tracasse pas.

Elle continua son repas tranquillement. Il ne tenait pas en place cet homme … Et ça la fit sourire. Elle ne parvint pas à terminer, la nourriture italienne étant délicieuse mais très riche. Il en restait un petit quart. Elle se laissa aller contre lui et leva la tête pour le regarder.

- Quand a l'activité physique... Il n'est pas tard, et on peut rester ensemble jusqu'au bout de la nuit...

Elle lâcha un petit rire, suivit d’un « Hmmm » quand il passa ses mains sur ses épaules. Elle frissonna quand il l’embrassa dans le cou.

- Tu veux m’user ? Je vais revenir tu sais !

Elle se redressa et mit ses restes dans le frigo. La japonaise détestait le gâchis. Elle but un verre d’eau et se colla contre celui qui avait été son homme.

- J’ai besoin de digérer avant de recommencer. Mais je veux bien ne sortir d’ici qu’au petit matin, ne t’inquiète pas.

Elle lui adressa un sourire avant de se blottir de nouveau dans ses bras. Même quand ils avaient été en couple, elle avait été rarement aussi câline.

- On fait quoi en attendant ?

Keiko sourit, amusée, face aux petites mimiques d’Esai. Elle trouvait ça mignon. Elle le suivit du regard quand il chercha un film. Elle haussa les épaules face à la réponse négative et silencieuse de son amant du jour. Elle le regarda se rhabiller et enregistra le fait qu’ils ne se feraient pas une petite soirée cocooning, et qu’elle allait devoir passer des vêtements sur sa peau. Elle n’en avait pas envie, mais elle ne pouvait rien dire non plus. Elle aurait bien pris une douche avant de sortir aussi, après l’effort dans la chambre.

- Une petite marche nocturne te tente ? J'ai bien envie de me dégourdir les jambes. Et puis ça fait digérer !

Keiko hocha la tête avant de laisser Esai l’embrasser. De toute façon, une fois qu’il était prêt, elle n’était pas du genre à casser l’ambiance. Elle regrettait un peu son footing, plus le sexe, mais il en fallait plus pour la fatiguer réellement physiquement. Elle n’attendit pas son reste, pris son sac à dos et reparti dans la chambre.

- Hésite pas si tu veux garder mon tee shirt ! Il te va vraiment bien. J'adore te voir avec.

La japonaise souriante, attacha ses cheveux en une queue de cheval, laissa le t-shirt et remis son pantalon. Elle noua le bas du t-shirt pour le recentrer sur sa taille. Si ça pouvait lui faire plaisir, cela ne la dérangeait pas. Et puis, elle n’avait pas envie d’un vêtement serrant. Elle remit son haut dans son sac à dos et reparti vers la cuisine.

Keiko regarda le shooter.

- Je suis venue en moto. Je ne peux pas boire sauf si je dors ici…

Elle ne comptait donc pas boire, sauf si elle repartait le lendemain, à lui de voir si il voulait qu’ils passent la nuit ensemble. Au moins, c’était un moyen d’être fixé. Elle avait une bouteille de soju dans son sac et de la bière, au cas où il avait prévu de boire d’ailleurs. Elle se rapprocha de lui et l'embrassa, encore.

Keiko fut déçue, une nouvelle fois. Elle pensait qu'Esai lui proposerait de rester dormir avec lui... Peut être que pour lui c'était une évidence ? Sinon, elle allait devoir s'incruster pour avoir son quota de câlins !  Elle le regarde boire les deux shot mais ne laissa pas transparaître ses émotions. Après tout, elle avait chercher la situation.

Ils commencèrent à marcher en silence et elle se detendit, rassurée par la nuit, le calme, la brise,  l'odeur des arbres du parc de Seika qui se faisait de plus plus présente à mesure qu'ils avançaient. Elle s'arrêta en même temps qu'Esai devant l'établissement.

- Les années ici te manque parfois ? Je veux dire... On l'a jamais vraiment quitté, mais on étaient bien différent a l’époque.

Keiko haussa les épaules.

- Le lycée... C'était compliqué pour moi ici. Je suis une paria après tout et j'étais tellement froide à l'époque... Il y a que l'année de prépa que j'ai apprécié, mais il y a eu son lot d'épreuves aussi...

Elle repensa a Saitô, dont elle était tombée amoureuse mais qui ne partageait pas ses émotions... Heureusement tout allait mieux quand Esai et elles se sont rapprochés.

- En tout cas, tous les moments qu'on a passé ensembles ici me manque, avoue-t-elle avec une pointe de regret.

Elle laissa sa main dans celle d'Esai pendant la balade. Keiko se fit la réflexion à ce moment là, que si ils avaient eu plus de moments à eux comme ça à l'époque, ils seraient sans doutes toujours ensemble et amoureux. Elle avait réellement souffert du manque de temps pour s'investir dans leur relation, que ce soit de sa part ou d'Esai. Ils n'étaient jamais disponibles en même temps. Et quand Keiko souffrait, elle préférait tout faire disparaître. C'était moins douloureux de n'avoir rien que d'avoir trop peu.

Elle se rendit compte qu'elle avait froid que lorsque qu'Esai lui déposa sa veste sur ses épaules.

- Merci !

Elle l'enfila avant de reprendre la main du jeune homme. Elle sentait l'odeur du japonais à plein nez : cigarette, son parfum et une légère touche mentholée. Ils continuèrent leur promenade en silence. Elle serra soudain la main de son ex.

- Esai ? Ça ne va pas ?

Elle le trouvait pensif... Il avait cette petite brume devant le regard. Keiko le senti soudain loin d'elle, et elle lui lâcha la main. Peut être qu'elle était trop proche et qu'il souhaitait garder une certaine distance ? C'était le genre de chose qu'elle pouvait comprendre...

Elle le regarda, perplexe. Elle n'était pas du genre à faire des scènes ou demander des explications, elle s'inquiétait juste qu'ils ne soient pas sur la même longueur d'onde pour cette soirée.

- Non, ça va. Je repensais a tout ça.

Keiko hocha la tête. Elle était habituée aux réponses vagues du brun et ne s’en formalisait pas vraiment. Il parlerait quand il serait près, ou ne parlerait pas. Elle lui tint la main et lui adressa un sourire quand il l’embrassa dans le cou. Il n’y avait pas à dire, cette soirée la projetait de nouveau dans leur vie de couple, les disputes en moins.

Ils marchèrent en silence, et cela ne la gênait pas. Elle profitait de la brise contre son visage, de la main chaude d’Esai, de ses muscles qui travaillaient. Ils étaient sensibles ce soir, elle sentait chacun de ses mouvements. Si elle ne faisait pas une séance d’étirement ce soir, demain elle aurait des courbatures. Mais ce genre de douleur ne la rebutait pas. Elle vivait avec, et elle aimait savoir que ses muscles avaient bien travaillés.

Elle ne grimaça pas aux escaliers, même si elle avait hâte de se poser. Une fois dans l’appartement elle se déchaussa et garda son pantalon, maintenant qu’elle était habillée ça aurait été un peu bizarre de se déshabiller sans raison. Elle arriva dans la cuisine, accueilli par un verre.

- Bon. De toute façon. Comme d'habitude, tu dors ici ce soir non ? Tu avait pas l'air sur tout a l'heure.

- Hm, je ne voulais pas m’imposer, c’est tout.

Keiko ne dormait bien que dans son lit, mais dans les bras d’Esai, ça pouvait passer aussi. De toute façon, elle avait besoin de repos avant de reprendre le travail. Elle prit les verres et se dirigea côté salon. C’était plus confortable assis la-bas, non ? La japonaise prit également la bouteille de soju dans son sac et la bière. Elle préférait le soju coréen au saké japonais. Elle ramena le tout dans le salon et se posa. Elle trouva la télécommande de la tv et mis la chaine musicale en léger fond sonore.

- Comme je reste, je fais comme chez moi, avoua-t-elle en tirant la langue.

Elle avait l’impression d’avoir 15 ans quand elle agissait comme ça, et se fatiguait elle-même. Elle adressa un sourire à Esai, et tendit son verre, attendant d’être servie.

Quand Keiko vit qu’Esai prit son bloc et son crayon, elle ne put s’empêcher de sourire et de lever les yeux au ciel.

- Ça ne te dérange pas ? Je veux dire... Le dernier portrait que j'ai de toi doit daté d'il y a deux ans et quelques...

- Fais-toi plaisir !

Ce n’était peut être pas son portrait qu’elle avait aperçu dans le carnet du jeune homme au café… De toute façon, elle ne comprenait pas comment il pouvait aimer la dessiner. Elle ne se trouvait pas spécialement jolie : son visage était banal, ses cheveux typiques des japonais et sa poitrine beaucoup trop opulente …

Non, vraiment, elle faisait pâle figure comparé à la fille de Seika qu’Esai avait pris pour muse. Sharp… Elle ne se souvenait pas de son prénom. Keiko l’avait détesté dès le premier jour : une pétasse par excellence. Quand son brun avait eu une aventure avec elle (ils n’étaient pas ensemble mais tout de même), elle avait bien cru ne plus jamais le toucher.

Elle ne bougeait plus vraiment, et se détendit quand il posa le carnet pour boire. Elle en profita pour boire à son tour. Elle n’était pas contre pour être ivre ce soir. C’était trop compliqué… Sa situation, entre les deux hommes de sa vie, l’affection d’Esai alors qu’ils n’étaient plus ensembles … Elle avait l’impression d’être une cruche.

- Je suis désolé. Je sais que c'est pas ton truc de faire le mannequin, a pas bouger comme ça, mais... Ha... J'y peux rien, j'adore te dessiner, te voir, admirer ton visage..

Keiko haussa les épaules.

- Si ça peut te faire plaisir, ça ne me gène pas.

Son teint rosit légèrement quand il parla « d’admirer son visage ».

- Oh, y a rien à admirer, tu le sais. Je ne suis pas aussi belle que l’était Sharp, en prépa.

Elle se gratta la tête, gênée par ce qu’elle allait demander :

- Tu l’as revu depuis qu’on est plus ensemble ?

- En fait... Je l'ai pas revu depuis la fin de l'année de prépa. Y'a 5 ans.

Qu’elle le veuille ou non, Keiko fut soulagée d’entendre ça. Elle n’aurait pas su quoi lui répondre s’il lui posait la même question pour Saitô. La vérité, sans doute. Elle était honnête et franche après tout. Keiko prit son verre de Soju cérémonieusement et le but en trois gorgées. Après tout c’était servi dans des verres plutôt petits, des shooters un peu plus grand.

- Tu a beau dire Keiko, tu est magnifique. Pas aussi belle qu'elle je ne sais pas. Elle avait une apparence, une forme de mannequin, mais franchement tu n'a rien a lui enviée. Tu a le plus important. Du charme.

La japonaise n’aimait pas être comparée à d’autres filles. A part sa taille et sa poitrine trop imposante, elle n’avait pas vraiment de complexes. Pour elle, les complexes venaient de la comparaison. Elle ne doutait pas qu’elle serait mieux dans son corps si elle était née dans un autre pays, ou le standard n’était pas 1m60, 85B et une taille 34. Elle posa son verre. Il riait ? Hm, peut être que c’était un compliment pour lui, elle n’y voyait là rien d’amusant en tout cas.

- Du charme ? Je comprends pourquoi tu te marres. Tss ! Arrête de te moquer.

Elle laissa néanmoins sa main prisonnière des caresses du jeune homme. La musique devint plus entrainante et elle fini par détourner le regard sur un groupe de jpop qui semblait être à la mode.

- Les jeunes écoutent vraiment ça de nos jours ?

Elle servit un autre verre pour tous les deux et trinqua avec Esai. Si elle voulait voir la vie en rose, il allait lui falloir quelques verres encore. Keiko le but en deux gorgées cette fois.

- Esai.

Elle posa son verre, se pencha et l’embrassa furtivement, avant de se redresser.

- On est jamais allé danser ensemble, non ?